Conférence alternative : intervention de Ban Ki-moon

Par   2 mai 2010
Traduction non officielle de l’intervention de Ban Ki-moon, Secrétaire général de l’ONU, le 1er mai 2010 lors de la session de clôture de la Conférence alternative des ONG organisée à Riverside Church (New York). Texte original en anglais disponible sur le site du Secrétaire général.
Je suis très touché par votre engagement si solide et votre accueil si enthousiaste.

M. Gerson, Révérend Thomas, M. Akiba, Maire d’Hiroshima, Mme Maris Socorro Gomes, Présidente du Conseil mondial pour la Paix, Mme Arielle Denis, Présidente du Mouvement de la Paix, Mme Jacqueline Cabasso, Directrice exécutive de la Western States Legal Foundation, M. le Député Charles Rangel, honorables invités, Mesdames et Messieurs,

En lisant la liste des organisations et des personnes avec nous ce soir, je voudrais dire quel grand honneur c’est pour moi d’être ici en votre compagnie.

J’ai conscience de votre dévouement et de votre travail sans relâche.
Je sais combien vous avez sacrifié pour défendre vos principes et convictions.
Je sais combien de courage il faut pour s’exprimer, protester et porter la bannière de cette aspiration humaine des plus nobles – la paix mondiale.
Et c’est pourquoi, par-dessus tout, je suis présent ici ce soir pour vous remercier de votre engagement sans faille, de votre courage et de votre leadership.

Laissez-moi commencer en disant à quel point cela invite à l’humilité de s’adresser à vous dans ce lieu illustre, Riverside Church.
Je sais que c’est ici que Matin Luther King Jr. s’est opposé à la guerre au Vietnam.
Je sais que c’est ici que Nelson Mandela s’est exprimé lors de sa 1ère visite aux États-Unis après avoir été libéré de prison.
Me tenant devant vous, vous observant, je peux voir ce qu’ils ont vu : une mer de femmes et d’hommes engagés, venant des quatre coins du monde pour le faire avancer.
Cela nous rappelle ce qui est le plus important dans la vie – ce n’est pas tant le message du prêcheur mais plutôt les mouvements de son auditoire.
Des gens comme vous.
Et je dis donc : continuez.
Notre vision commune est à notre portée – c’est-à-dire un monde libre d’armes nucléaires.
À la veille de la Conférence d’examen du Traité de non-prolifération – qui commencera lundi – nous savons que le monde nous observe.
Faisons lui entendre notre appel. Désarmons maintenant !

Mesdames et Messieurs,
Depuis mon premier jour en tant que Secrétaire général des Nations Unies, j’ai fait du désarmement nucléaire ma première priorité.
Peut-être que, en partie, ce profond engagement personnel vient de ma propre expérience de petit garçon en Corée, grandissant juste après la guerre. Mon école était en ruines.
Il n’y avait pas de murs. J’étudiais sur le sol. Nous étudions en plein air.
Les Nations Unies ont reconstruit mon pays. J’ai été suffisamment chanceux pour recevoir une bonne éducation. Mais bien plus que cela, j’ai appris la paix, la solidarité et, surtout, le pouvoir de l’action des communautés.
Ces valeurs ne sont pas des principes abstraits pour moi. Je leur dois la vie. J’essaye de les incarner dans l’ensemble de mon travail.
Il y a à peine quelques semaines, je me suis rendu à Ground Zero – l’ancien site de tests de Semipalatinsk, au Kazakhstan, qui était un célèbre site nucléaire à l’époque de l’Union Soviétique. Il y fût déclenché plus de 450 explosions nucléaires.
C’était étrangement beau. La grande steppe verte s’étendait aussi loin que l’œil pouvait aller. Mais bien sûr, l’œil ne voit pas immédiatement l’envergure de la dévastation.
De vastes étendues où les gens ne peuvent toujours pas vivre, ne peuvent pas aller. Des lacs et des rivières empoisonnés. Des taux de cancer et de mortalité infantile élevés.
Après l’indépendance, en 1991, le Président du Kazakhstan Nursultan Nazarbayev a fermé le site et a banni toutes les armes nucléaires de son territoire.
Aujourd’hui, Semipalatinsk est un puissant symbole d’espoir – c’est un nouveau Ground Zero pour le désarmement, le lieu de naissance de la zone exempte d’armes nucléaires d’Asie Centrale.
En août, je me rendrais à un autre Ground Zero – la fière ville du Maire Akiba, Hiroshima. Là, je réitérerais notre appel pour un monde sans armes nucléaires.
Les habitants d’Hiroshima et les habitants de Nagasaki – et particulièrement les Hibakusha – ne connaissent que trop bien l’horreur d’une guerre nucléaire.
Cela ne doit jamais se répéter.
Pourtant, 65 ans après, le monde vit toujours sous une ombre nucléaire.
Combien de temps devons-nous attendre pour nous débarrasser de ces armes nucléaires ? Combien de temps allons-nous transmettre le problème aux générations suivantes ?
Nous, ici présents ce soir, savons qu’il est temps de mettre fin à ce cycle absurde.
Nous savons que le désarmement nucléaire n’est pas un but distant, inatteignable.
C’est un rêve que nous pouvons réaliser.
C’est une nécessité pressante, ici et maintenant. Nous sommes déterminés à l’atteindre.

En fait, nous en avons été très proches par le passé.
Il y a 24 ans, à Reykjavik, Islande, le Président Ronald Reagan et le Secrétaire général Mikhaïl Gorbatchev étaient arrivés à un cheveu de se mettre d’accord pour éliminer l’ensemble des armes nucléaires.
C’est un rappel spectaculaire d’à quel point on peut aller loin – tant que l’on en a le projet et la volonté, la volonté politique.
La génération actuelle des négociateurs nucléaires doit tirer les leçons de Reykjavik :
Soyez audacieux. Pensez grand – car cela produit de grands résultats.
Et c’est pourquoi, une nouvelle fois, nous avons besoin de gens comme vous.
Des gens qui comprennent que le monde est surarmé et que la paix est sous-financée.
Des gens comme vous, qui comprennent que le moment du changement, c’est maintenant.

Mesdames et Messieurs,
Le Traité de non-prolifération nucléaire est entré en vigueur il y a 40 ans.
Depuis, il est le fondement du régime de non-prolifération et de nos efforts pour le désarmement nucléaire.
Pour vous citer M. Gerson : c’est l’un des accords fondamentaux du 20ème siècle.
Ne l’oublions pas. En 1963, des experts prédisaient qu’il pourrait y avoir pas moins de 25 états dotés de l’arme nucléaire d’ici à la fin du siècle dernier, à notre époque.
Cela ne s’est pas produit, en grande partie car le TNP guidait le monde dans la bonne direction.
Aujourd’hui, nous avons des raisons d’être à nouveau optimistes.
L’opinion publique mondiale penche en notre faveur.
Les gouvernements portent un nouveau regard sur le problème.
Considérons seulement les développements positifs les plus récents de la situation :
Montrant l’exemple, les États-Unis ont annoncé une révision de leur politique nucléaire – renonçant à l’utilisation d’armes nucléaires contre des états non dotés tant que ceux-ci sont en conformité avec le Traité de non-prolifération.
À Prague, les Présidents Barack Obama et Dmitry Medvedev ont signé un accord succédant au traité START, accompagné de sérieuses réductions des arsenaux.
À Washington, les dirigeants de 47 pays ont uni leurs efforts pour mettre hors de portée des terroristes les armes et matériaux nucléaires. J’y étais moi-même présent en tant que représentant des Nations Unies.
Et lundi, nous espérons ouvrir un nouveau chapitre de la vie du Traité de non-prolifération.
En 2005, quand les dirigeants se sont rassemblés pour le dernier examen du TNP, le résultat n’était pas conforme aux attentes.
En bon français, cela a échoué – lamentablement.
Nous ne pouvons pas nous permettre d’échouer une nouvelle fois.
L’échec n’est pas une option.
Après tout, il y a plus de 25000 armes atomiques dans les arsenaux mondiaux.
Le terrorisme nucléaire reste un danger réel et actuel.
Il n’y a eu aucun progrès dans l’établissement d’une zone exempte d’armes nucléaires au Moyen-Orient.
Les programmes nucléaires de l’Iran et de la République démocratique populaire de Corée représentent de sérieuses préoccupations dans le cadre des efforts internationaux visant à mettre un frein à la prolifération nucléaire.
Pour faire face à ce problème et aux autres, j’ai mis en place mon propre plan d’action en 5 points et je vous remercie pour vos réactions encourageantes.
J’apprécie particulièrement votre soutien à l’idée de conclure une convention sur les armes nucléaires.
L’article VI du TNP requiert que les Parties au Traité poursuivent des négociations sur un traité de désarmement général et complet sous surveillance internationale.
Ces négociations sont depuis trop longtemps retardées.
La semaine prochaine, j’appellerais tous les pays – et plus particulièrement les états dotés de l’arme nucléaire –à remplir cette obligation.

Mesdames et Messieurs,
Nous ne devons pas avoir des attentes irréalistes concernant cette Conférence. Mais nous ne pouvons pas non plus nous permettre d’abaisser nos ambitions.
Ce que je vois à l’horizon, est un monde sans armes nucléaires.
Ce que je vois devant moi, sont les gens qui le rendront possible, comme vous.
Continuez votre travail.
Sonnez l’alarme, maintenez la pression.
Demandez à vos dirigeants ce qu’ils font – personnellement – pour éliminer la menace nucléaire.
Par-dessus tout, continuez d’être la voix de la conscience.
Nous débarrasserons le monde des armes nucléaires.
Et quand nous l’aurons fait, ce sera grâce à des gens comme vous.
Le monde vous doit sa gratitude.
Merci pour vos engagements et votre leadership.

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