Bouclier anti-missile, Intervention de M. Jean-Paul Lecoq

Par   13 décembre 2007
Intervention de M. Jean-Paul Lecoq, député de Seine Maritime, Maire de Gonfreville l’Orcher, Conseil de l’Europe, octobre 2007.

Monsieur le Président
Chères et chers collègues
Mesdames et Messieurs

Le bouclier anti-missile en Europe, vieux rêve nord-américain, s’est enfin matérialisé par la complaisance de certains gouvernement de l’Europe de l’Est mais aussi celle de ministres des pays membres de l’OTAN.

Nous ne pouvons que nous montrer préoccupés et en même temps, exprimer clairement notre rejet du programme du bouclier antimissile sur le territoire même de l’Europe.

La politique de remilitarisation de l’Europe toute entière, se place dans le contexte de la déstructuration de l’ordre juridique international menée par les États-Unis. Celle-ci répond à une vision unilatéraliste qui érode le cadre multilatéral de l’ONU, mais aussi idéologiquement elle répond à la soi disant «doctrine de la guerre préventive ».

En ce sens l’installation d’un système anti-missiles en Europe orientale équivaut pratiquement à une déclaration de guerre- comme l’a pertinemment remarqué Noam Chomsky[1] – si l’on tient compte du contexte dans lequel ce programme a été mis en place. D’ailleurs, la mode de recourir à la menace de la guerre s’est même étendue à la France !!!

Comme nous le savons tous, il est notoire que la défense anti-missiles est une arme de première attaque et de défensif elle n’a que le nom.

Son installation sur le territoire européen est le prétexte destiné à faciliter et à consolider la puissance militaire des États-Unis à l’étranger.

L’Europe n’est pour les États-Unis que l’un des pions de leur politique de domination et d’hégémonie mondiale. La défense anti-missile n’a d’autre objectif qu’asseoir l’hégémonie nord-américaine et de conserver intacte sa capacité d’exercer son pouvoir sur le territoire européen à partir duquel elle mettrait en place ses intentions stratégiques et militaires.

Les tambours de la course aux armements sonnent haut et fort puisque les ministres de la défense de l’OTAN, réunis jeudi 14 juin 2007 à Bruxelles, ont approuvé le projet nord-américain de bouclier anti-missile en le présentant comme devant protéger le flanc sud de l’Europe contre des attaques venant (notamment) du Moyen-Orient.

Les ministres n’ont émis aucune réserve, et ils n’ont formulé aucune critique sur l’installation de sites en Pologne et en République tchèque. Au contraire, ils ont décidé de lancer une étude envisageant la complémentarité de ce projet avec les propres études de l’OTAN concernant la défense antimissile du territoire.

L’acceptation de ce projet nord-américain, sans vrai débat démocratique et sans la participation des citoyens, nous montre bien l’influence décisive que les nord-américains conservent sur les Européens, à travers l’OTAN ou dans d’autres instances.

Dans le même temps, l’OTAN rejetait avec dédain la contre-proposition russe d’un système basé en Azerbaïdjan. Comment ne pas conclure que l’histoire de la protection contre la fabuleuse bombe iranienne, russe, coréenne et/ou autre, n’est qu’un prétexte pour entamer une nouvelle course aux armements ? Il n’est donc pas étonnant que la Russie menace de diriger ses missiles vers l’Europe !!

Et contre quel ennemi serait-il utilisé, ce bouclier ? On parle de l’Iran, on parle de la Russie, on parle de la Corée du Nord, on parle également de la Chine. En tout cas, la seule certitude que nous avons c’est que la défense dite anti-missile augmente le risque d’une guerre ou que des désordres s’étendent sur le territoire européen. Car ce projet s’aligne exactement sur la vision manichéenne et simpliste du gouvernement des États-Unis dans le cadre du « choc de civilisations ».

De plus cette «défense anti-missile » augmentera les menaces d’agression au Moyen Orient, avec des conséquences incalculables, sans écarter la possibilité d’une guerre nucléaire définitive. Et cela peut encore envenimer les rapports orient/occident.

Je le répète sans ambigüité : le bouclier anti-missile n’est pas une protection pour l’Europe mais il y prépare la guerre contre d’autres États et contre d’autres peuples.

Le bouclier anti-missile nord-américain n’est nullement destiné à protéger l’Europe contre une menace militaire évidemment inexistante de la Russie, de la Corée du Nord ou de l’Iran, mais exclusivement à accélérer la vassalisation de l’Europe sous le couvert de l’OTAN.

En réalité, l’acceptation d’un tel projet militaire si agressif annule ou anéanti toute tentative sérieuse de mettre en place un système européen de défense autonome et indépendant.

Le système anti-missile nord-américain est ce qu’il est : partie intégrante de l’arsenal nucléaire américain en Europe. L’Europe est donc en train de changer radicalement la configuration tout entière de la sécurité internationale, embarquée dans cette aventure militariste qui n’a aucune raison d’être.

Il y a plus d’un demi-siècle, Bertrand Russell et Albert Einstein lancèrent un appel aux peuples du monde pour qu’ils prennent conscience du fait que nous nous trouvons face à un choix « net, terrible et inévitable ». Cet appel est encore d’une actualité brûlante : « Ou l’Europe s’embarque dans une aventure militaro-agressive participant ainsi à la destruction de l’ordre juridique international, ou nous refusons cette politique militariste et menons une politique cohérente de consolidation du cadre multilatéral de la paix et de la sécurité internationales, fondée sur la coopération entre les États et les peuples ».

Je vous remercie de votre attention.


[1] Le bouclier étasunien anti-missile en Europe est un acte de guerre, Noam Chomsky, 31 mai 2007, Le Grand Soir Info.

 

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