Lors de la cérémonie commémorant le 70e anniversaire du bombardement atomique sur Hiroshima, le maire de la ville, M. Kazumi Matsui, également président de Maires pour la Paix, a prononcé la traditionnelle Déclaration de paix. Un message fort qui appelle à se mobiliser pour l’abolition des armes nucléaires et à travailler au quotidien pour une culture de la paix.
Par Kazumi Matsui, maire de Hiroshima
Dans notre ville, nous avions la chaleur d’une vie de famille, les liens humains profonds d’une communauté, des festivals marquant chaque saison, une culture traditionnelle et des bâtiments qui avaient traversé l’histoire mais aussi des berges où les enfants jouaient. À 8 h 15 le 6 août, tout cela fût anéanti par une seule bombe atomique. Sous le champignon atomique, une mère calcinée et son enfant s’enlaçaient, une quantité innombrable de corps flottaient dans la rivière et des bâtiments brûlaient complètement. Des dizaines de milliers brûlèrent dans ces flammes. À la fin de l’année, 140 000 vies irremplaçables avaient été emportées et parmi elles, des coréens, des chinois, des asiatiques du sud-est et des américains prisonniers de guerre.
Ceux qui réussirent à survivre virent leur vie irrévocablement bouleversée, furent laissés seuls à subir une infinie souffrance morale et physique liée aux effets secondaires, le tout accompagné de discrimination et de préjugés. Des enfants volaient ou se battaient quotidiennement pour survivre. Un jeune garçon rendu orphelin par la bombe atomique devait vivre seul. Une femme fût obligée de divorcer quand son exposition aux radiations fût découverte. Les souffrances continuent.
« Madotekure ! » C’est le cri de désespoir des hibakusha qui veulent que Hiroshima – leur ville, leur famille, leur propre esprit et corps – soit rétablie tel qu’elle était auparavant.
Cent ans après l’inauguration du Palais d’exposition industrielle du département de Hiroshima et soixante-dix ans après le bombardement atomique, le Dôme de la bombe atomique continue de veiller sur la ville. En face de ce témoin de l’Histoire, je veux que nous tous, une fois de plus, nous confrontions honnêtement à ce qu’a fait la bombe atomique et que nous embrassions pleinement l’esprit des hibakusha.
Pendant ce temps, plus de 15 000 armes nucléaires continuent de grouiller à la surface du globe et les législateurs dans les pays possédants des armes nucléaires restent prisonniers d’une façon de penser archaïque, répétant mot pour mot la formule de leur intimidation nucléaire. Nous connaissons maintenant le grand nombre d’incidents et d’accidents qui nous ont fait frôler une guerre nucléaire ou des explosions nucléaires. Aujourd’hui, nous nous inquiétons également du terrorisme nucléaire.
Tant que les armes nucléaires existent, n’importe qui peut devenir un hibakusha à n’importe quel moment. Si cela arrive, les dommages s’étendront sans aucune discrimination bien au-delà des frontières nationales. Peuples du monde, écoutez attentivement les paroles des hibakusha et, en acceptant pleinement l’esprit de Hiroshima, considérez le problème nucléaire comme le vôtre.
Une femme qui avait 16 ans à l’époque fait cet appel : « Étendre encore plus le cercle d’harmonie qui comprend votre famille, vos amis et vos voisins mène directement à la paix mondiale. L’empathie, la gentillesse, la solidarité – ce ne sont pas simplement des concepts intellectuels, nous devons les ressentir au plus profond de nous ». Un homme, qui avait 12 ans, insiste : « La guerre signifie tragédie et pour les adultes et pour les enfants. L’empathie, la bonté, l’amour des autres et de soi – c’est de là que vient la paix ».
Ces messages déchirants, forgés dans le creuset de la souffrance et du chagrin, transcendent la haine et le rejet. Leur esprit est la générosité et l’amour de l’humanité, leur objectif est le futur de l’humanité.
Les êtres humains transcendent les différences de nationalité, de race, de religion et de langage pour vivre ces vies uniques sur cette planète que nous partageons. Pour coexister, nous devons abolir le mal absolu et l’inhumanité ultime que sont les armes nucléaires. C’est maintenant, tout de suite, qu’il faut agir. Des jeunes lancent des pétitions, postent des messages, organisent des manifestations et font des efforts très variés. Travaillons ensemble pour créer un gigantesque raz-de-marée.
En cette année charnière du 70e anniversaire, l’âge moyen des hibakusha a dépassé 80 ans. La ville de Hiroshima travaillera encore plus dur pour conserver le souvenir des bombardements, le transmettre au monde et aux générations futures. En même temps, en tant que Président de Maires pour la Paix, qui compte maintenant plus de 6 700 collectivités membres, Hiroshima agira avec détermination en faisant tout ce qui est en notre pouvoir pour accélérer la tendance internationale en faveur de négociations d’une convention relative aux armes nucléaires et à leur abolition d’ici 2020.
N’est-ce pas un rôle approprié pour un législateur de rechercher le bonheur de son propre peuple en se fondant sur la générosité et l’amour de l’humanité ? Des législateurs se rencontrant inlassablement pour discuter – c’est un premier pas vers l’abolition des armes nucléaires. L’étape suivante est de créer, grâce à la confiance ainsi gagnée, des systèmes de sécurité largement polyvalents qui ne reposent pas sur la puissance militaire. Travailler avec patience et persévérance afin de mettre en place un tel système sera vital et exigera que nous promouvions dans le monde entier le chemin vers une paix réelle révélé par le pacifisme de la Constitution Japonaise.
Le Sommet qui se déroulera l’an prochain à Ise-Shima au Japon et la réunion des Ministres des Affaires Étrangères qui le précédera à Hiroshima sont des opportunités parfaites pour transmettre un message sur l’abolition des armes nucléaires. M. le Président Obama et mesdames et messieurs les législateurs, venez dans les villes atomisées, écoutez vous-même les hibakusha et confrontez-vous à la réalité des bombardements atomiques. Cela vous incitera certainement à commencer à discuter d’un cadre légal, y compris d’une convention relative aux armes nucléaires.
Nous appelons le gouvernement japonais, de par son rôle de lien entre États nucléaires et non-nucléaires, à guider tous les États vers cette discussion et nous offrons Hiroshima comme lieu de dialogue et de rencontre. De plus, nous demandons à ce qu’une plus grande compassion soit témoignée à nos hibakusha et aux nombreux autres qui souffrent actuellement des effets secondaires des radiations, sous la forme de mesures de soutien renforcées. Nous demandons en particulier l’extension des « zones de pluie noire ».
Avec nos prières sincères pour le repos paisible des victimes de la bombe atomique, nous remercions les hibakusha et tous leurs prédécesseurs qui ont travaillé si dur tout au long de leur vie à la reconstruction de Hiroshima et à abolir les armes nucléaires. Enfin, nous exhortons les peuples du monde : renouvelez votre détermination. Travaillons ensemble de toutes nos forces pour l’abolition des armes nucléaires et parvenir à une paix mondiale durable.
Traduction non officielle, traduit de l’anglais par l’AFCDRP-Maires pour la Paix France