OEWG: Maires pour la Paix mobilisé

Par   15 mars 2016

Komizo_OEWGDu 22 au 26 février s’est déroulé à Genève (Suisse) la première session du Groupe de travail à composition non limitée (OEWG) sur le désarmement nucléaire, un forum de discussion au sein de l’ONU auquel Maires pour la Paix a participé pleinement.

OEWG. Quatre lettres qui désignent le Groupe de travail à composition non-limitée (Open Ended Working Group) sur le désarmement nucléaire mis en place suite à un vote de la 70e Assemblée générale de l’ONU. L’objectif est de faire progresser concrètement les discussions sur le désarmement nucléaire et parvenir à ouvrir de réelles négociations sur un instrument légal contraignant permettant de parvenir à un monde sans armes nucléaires.

Comme son nom l’indique, ce groupe de travail, contrairement à d’autres organes tels que la Conférence du désarmement, est ouvert à la fois aux Etats mais aussi aux représentants de la société civile. Ainsi, Maires pour la Paix, par la voix de son Secrétaire général M. Yasuyoshi Komizo, a participé activement à ces débats interactifs qui se poursuivront lors de la 2ème session début mai 2015.

Voici la retranscription des remarques prononcées par notre organisation à cette occasion :

1 – 22 février 2016 : Remarques de Yasuyoshi Komizo, Secrétaire général de Maires pour la Paix

Merci M. le président de me donner la parole. Je vous remercie de me donner cette opportunité de m’exprimer aujourd’hui, tout d’abord en tant que citoyen de Hiroshima chérissant au fond de mon cœur le message de nos survivants de la bombe atomique – les hibakusha. Ils n’ont pas cessé de raconter au monde leur expérience indescriptiblement douloureuse de la dévastation humaine, dans leur volonté sincère que « personne ne souffre encore une fois comme nous avons souffert ». Je m’exprime également en tant que Secrétaire général de Maires pour la Paix, une organisation non-gouvernementale internationale qui travaille pour un monde sans armes nucléaires et dont le nombre de membre est actuellement de 6 991 villes, représentant une population cumulée de plus d’un milliard de personnes dans le monde entier.

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Grâce à leur conscience aigüe d’avoir la responsabilité de protéger la sécurité et le bien-être de leurs citoyens, un nombre croissant de maires est profondément préoccupé par le fait qu’un quart de siècle après la fin de la guerre froide, près de 16 000 têtes nucléaires existent encore dans le monde d’aujourd’hui, qui regorge de violence et d’innombrables sources de conflit. Des documents déclassifiés ont révélé que les risques d’utilisation par inadvertance d’armes nucléaires, suite à un accident ou à une erreur de calcul, sont assez élevés. Nous ne pouvons pas non plus ignorer le danger que représente le terrorisme nucléaire.

Néanmoins, la doctrine de dissuasion nucléaire fait toujours partie intégrante de la sécurité internationale et, en vertu de cette doctrine, les villes sont sur la liste des cibles. L’échec de la dissuasion frapperait à nouveau les citadins et les conséquences humanitaires et environnementales pourraient être beaucoup plus graves. Ceci est d’autant plus inacceptable étant donné que ces doctrines ont été élaborées sans aucune forme de consultation des citoyens qui vivent dans ces villes. Cela signifie que la dissuasion nucléaire est une doctrine sans représentation et les citoyens des villes en sont devenus dans les faits les otages muets de la menace des armes nucléaires. Ainsi, nous, Maires pour la Paix, nous sentons obligés de parler. Compte tenu des conséquences catastrophiques de l’utilisation de ne serait-ce qu’une seule arme nucléaire, chaque État et chaque citoyen trouve un intérêt dans l’élimination totale de ces armes répugnantes. Cette question doit être traitée immédiatement.

Non seulement la dissuasion nucléaire peut échouer avec des conséquences humanitaires inacceptables, mais ce concept conduit également à des dangers liés à la prolifération nucléaire, tels que des cas similaires au développement nucléaire de la Corée du Nord. L’ancien directeur général de l’AIEA, Mohamed ElBaradei, avait coutume de dire que la possession d’armes nucléaires par les États dotés est la pire tentation de proliférer. Selon ses propres mots, c’est comme un vieil homme avec un cigare à la bouche, prêchant à de jeunes enfants de ne pas fumer.

En outre, nous nous demandons sérieusement si la dissuasion nucléaire peut offrir des solutions efficaces aux défis de sécurité mondiaux auxquels nous sommes confrontés aujourd’hui. De nouveaux défis exigent de nouvelles idées et des approches novatrices. Dans ce contexte, nous pensons que la communauté internationale doit unir ses forces et discuter de la façon dont nous pouvons résoudre ces problèmes réels. Il est urgent que les États dotés et ceux sous le «parapluie» nucléaire mènent des discussions sérieuses pour planifier leur sécurité sans avoir recours à la notion de dissuasion nucléaire. Pourtant, les États dotés continuent de chercher à limiter le débat sur le désarmement nucléaire à des mesures symboliques affirmant que l’environnement sécuritaire n’est pas assez mature pour prendre des mesures plus audacieuses. Nous ne sommes pas d’accord. Ils devraient se rappeler que les mesures de désarmement nucléaire antérieures ont été prises à des pics de tension internationale par des initiatives conjointes des dirigeants politiques pour instaurer le dialogue. Il est maintenant temps pour les dirigeants de faire preuve de leur leadership décisif.

Dans cette optique, Maires pour la Paix renouvelle aujourd’hui son soutien ferme à la négociation d’une convention relative aux armes nucléaires, parce que l’interdiction légale des armes nucléaires peut servir efficacement de tournant vers un monde exempt d’armes nucléaires. Sans cet aspect décisif, les discussions perdent une orientation claire. D’autre part, une fois que les dirigeants du monde se sont entendus sur cette orientation, les discussions sur la transparence, l’irréversibilité, la vérification, etc. deviendraient des questions d’ordre technique à régler.

Dans cette entreprise, les dirigeants peuvent aussi compter sur le rôle important et l’engagement de la société civile pour nourrir de meilleures conditions pour le leadership politique en cherchant à surmonter la méfiance mutuelle et en cultivant une conscience commune d’appartenance à une seule famille humaine, quelle que soit les différences culturelles, religieuses ou ethniques. Nous, Maires pour la Paix, continuerons à nous investir personnellement et à soutenir les initiatives pour créer une atmosphère propice à l’accélération des progrès vers l’abolition des armes nucléaires. Nous pensons également que les progrès en matière de désarmement nucléaire contribueront à améliorer le climat politique général pour régler d’autres défis internationaux et parvenir à la paix.

Pour les besoins de ce groupe de travail à composition non limitée, Maires pour la Paix exhorte ses participants à reconnaître l’importance vitale de faire progresser le désarmement nucléaire. Alors que nous constatons l’absence des États dotés d’armes nucléaires lors de cette session février, nous espérons et attendons qu’ils s’engagent de façon constructive dans les délibérations des sessions futures. Et nous recommandons fortement que le résultat final de vos délibérations souligne les conséquences humanitaires catastrophiques des armes nucléaires et identifie les mesures juridiques efficaces pour avancer vers un monde sans armes nucléaires.

2 – 24 février 2016 : Remarques de Yasuyoshi Komizo, Secrétaire général de Maires pour la Paix
Panel I de l’OEWG
Merci M. le président de me donner la parole. Tout d’abord, je voudrais renouveler l’expression de ma sincère gratitude envers l’Ambassadeur Thani pour son habile présidence et ses méthodes transparentes, justes et inclusives.

Bien que beaucoup de choses reposent sur le travail qui nous mènera à la séance de mai de l’OEWG et au-delà, nous sommes enclins à considérer que ces discussions interactives sont un bon début. Je souhaiterais donc faire quelques remarques dans le cadre de cette interactivité. Je développerai 5 points :

1- Premièrement, sur le vide juridique : à ce sujet, mon sentiment est clair. Le problème principal n’est pas de savoir si un vide juridique existe mais plutôt si oui ou non le régime législatif actuel est efficace ou suffisamment clair pour parvenir à un monde sans armes nucléaires. Et il est manifeste qu’il reste encore à faire un travail significatif. Je me félicite d’un certain nombre de bonnes initiatives exposées lors de cette séance.

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2- Deuxièmement, en l’absence d’États possesseurs d’armes nucléaires lors de cette session, la discussion s’est portée sur savoir si les États non dotés d’armes nucléaires ont un rôle à jouer dans la création de normes juridiques. Je vois un certain nombre d’initiatives que les États non dotés d’armes nucléaires peuvent entreprendre seuls, tout en gardant la porte ouverte pour inviter les États dotés d’armes nucléaires à participer aux efforts collectifs. Dans ce contexte, je voudrais rappeler que le texte de l’article VI du TNP impose à toutes les parties l’obligation de poursuivre de bonne foi des négociations sur le désarmement nucléaire et que cela, bien sûr, comprend les États non dotés. Cela fait également sens car les États non dotés se sont engagés à ne pas proliférer et qu’ils sont les victimes potentielles d’explosions nucléaires si elles se produisaient. Par conséquent, non seulement ils sont obligés, mais ils ont aussi de très bonnes raisons et le droit de lancer des négociations sur le désarmement nucléaire.

3- Troisièmement, sur l’aspect sécurité : Maires pour la Paix se félicite que la communauté internationale se concentre sur la réalité cruellement inhumaine des armes nucléaires. Traditionnellement, la sécurité internationale a été abordée principalement en termes de stratégies et de technologies. Bien entendu, ce sont des aspects importants. On doit se demander cependant dans quel but existe la «sécurité» ? Je crois que dans les discussions de sécurité traditionnelles, la perspective de la sécurité humaine a été terriblement absente. Si nous ne fondons pas notre raisonnement sécuritaire sur la volonté sincère des peuples de parvenir à la paix, alors toute la discussion devient hors sujet. La sécurité doit servir à protéger les gens et les valeurs humaines fondamentales comme la préoccupation des mères pour le bonheur de leurs enfants ou l’aspiration des jeunes à un futur plus prometteur. Nous encourageons donc les dirigeants mondiaux à s’engager dans des voies innovantes pour parvenir à la paix et à la sécurité d’une façon collective qui pourra également renforcer la compréhension mutuelle et l’appréciation de la diversité.

4- Ce qui mène à mon quatrième point, le leadership politique. Maires pour la Paix encourage les dirigeants à se souvenir que les progrès passés en matière de désarmement nucléaire ont eu lieu à l’apogée des tensions internationales suite à des initiatives de contact par les leaders politiques. Je répète que c’est maintenant que les dirigeants politiques doivent faire preuve de leur leadership décisif.

Et ceci me mène à mon dernier point.

5- Afin que les dirigeants politiques et les experts renforcent leur détermination à avancer vers un monde exempt d’armes nucléaires, Maires pour la Paix encourage tout le monde à venir à Hiroshima et Nagasaki pour être eux-mêmes les témoins des conséquences cruellement inhumaines des bombardements atomiques. À Hiroshima et Nagasaki, ils comprendront exactement pourquoi, aux yeux des hibakusha, les armes nucléaires sont les armes inhumaines ultimes et un mal absolu. Maires pour la Paix, avec de nombreux partenaires de la société civile, s’investira pleinement et soutiendra les initiatives en faveur de notre objectif commun, la paix.

Merci M. le Président.