Tribune AFCDRP-Maires pour la Paix / ICAN France

Par   18 janvier 2021

Les villes mobilisées pour un monde sans armes nucléaires

Suites aux bombardements nucléaires d’Hiroshima et Nagasaki en 1945, est-ce que « Hiroshima est partout » ? Cette question à l’aube d’une nouvelle décennie du XXIe siècle peut sembler éloignée des préoccupations des Maires de France. Mais évoquer ce drame, démontre une volonté active d’agir pour la sécurité de sa ville. Oui, un Maire a une responsabilité d’action pour prévenir tous les types de catastrophes !

Lorsque l’on évoque Hiroshima et Nagasaki, ce n’est pas seulement de l’arme nucléaire et de fléau de destruction totale dont il est question. Les histoires et les témoignages des hibakusha (survivants des explosions nucléaires) nous rappellent que ce sont nos choix ou nos refus d’humanité et de paix qui sont au cœur des enjeux de notre monde. Et il en va de même pour chaque défi du 21ème siècle : pauvreté, santé, changement climatique, nouvelles technologies, conflits ne sauraient trouver de réponses dans des démarches solitaires. Chaque défi, bien qu’en surface autonome, est intrinsèquement lié par une même dynamique, celle d’assurer aux populations une sécurité, qu’elle soit publique, sanitaire, éducative, culturelle, ou environnementale. Aussi, pourquoi évoquer ce sujet de la menace nucléaire militaire ? Un défi qui semble éloigné du quotidien individuel des 35 000 communes de France ?

Une menace globale

L’organisation des Nations unies a adopté le Traité sur l’interdiction des armes nucléaires (TIAN) le 7 juillet 2017. Ce traité est né d’une volonté d’une écrasante majorité des Etats (122) et, à la suite d’un processus juridique, va devenir force de loi internationale le 22 janvier 2021. Les armes nucléaires seront illégales. L’objectif de ce traité est d’avancer concrètement pour prévenir toute catastrophe humanitaire. La peur de la bombe atomique s’est éloignée des communes, pourtant selon le secrétaire général de l’ONU (2 octobre 2020) « l’élimination des armes nucléaires est vitale pour quelque chose qui dépasse le destin d’un seul État : la survie de la vie sur cette planète ». Le TIAN a pour objectif de prévenir la destruction des villes ; ces zones urbaines étant celles qui seront visées par les Etats possédant ce type d’armes de destruction massive. Ce traité n’est pas symbolique, mais bien contraignant en raison des diverses interdictions et obligations. Son impact politique est d’ores et déjà bien réelle, plus de 300 villes à travers le monde dont 33 en France (Paris, Lyon, Grigny, Grenoble, Malakoff, Les Mées…) ont décidé de soutenir cette nouvelle norme en signant l’Appel des villes porté par la Campagne internationale pour abolir les armes nucléaires (ICAN) ; organisation récipiendaire du prix Nobel de la paix 2017.

Les villes au cœur d’un monde global.

Les maires sont aux premières loges des défis. Les 8000 collectivités du réseau international Mayors for Peace, représentée en France par Maires pour la Paix (comprenant 70 villes), ont décidé d’agir pour « mieux vivre ensemble ». Derrière ces mots, se trouve une réalité celle d’assurer un climat de confiance, créateur d’un cercle vertueux. Ces communes sont ainsi déjà engagées dans la promotion de la sécurité locale, nationale et internationale à travers, pour certaines des Programmes Locaux d’Action pour une Culture de la Paix, les objectifs de développement durable (pilier 16 « Paix, justice et institutions efficaces ») ou encore par la signature de l’Appel des villes. Elles engagent leurs habitants, à travers les différents services publics, à collaborer à la mise en œuvre de ces grandes idées, toujours dans ce but d’améliorer ce « vivre ensemble », cette sécurité globale qui passe par l’écologie des villes.

Pandémie versus arme nucléaire ?

La pandémie que nous vivons a montré une capacité d’action et de résilience sans précédente des Maires, mobilisant au mieux leur ressource humaine, comme budgétaire. Mais le manque de moyens s’est fait ressentir engendrant des catastrophes sanitaires, psychologiques ou encore économiques avec la fermeture de nombreux commerces. Cette pandémie sanitaire était annoncée comme un risque prévisible par de nombreuses autorités (dont le Secrétariat général de la défense et de la sécurité nationale), tout comme le risque possible de détonation volontaire ou par accident d’armes nucléaires. L’absence de masques de protection a été un élément perturbateur, mais la société s’est relevée et avancera grâce aux vaccins. Les Maires ne pourront pas reconstruire leur ville à la suite de la détonation d’arme nucléaire.

La santé n’a pas de prix. Son coût est élevé, mais ces bénéfices sont en faveur de la vie. À contrario, nous pouvons observer depuis une dizaine d’année, et plus précisément depuis 2019 (loi de programmation militaire), une très forte augmentation des dépenses publiques pour la modernisation et le renouvellement des arsenaux nucléaires. Exactement 9 512 € par minute en 2021 (équivalent à 5 milliards d’euros), puis dès 2023, ce chiffre passera à 11 415 € (et pour une période probable d’une décennie). Nul question de ne pas disposer d’outil de sécurité et de défense ; mais les moyens mis en œuvre interpelle, à l’heure ou selon le philosophe Edgar Morin il est nécessaire de « ressentir plus que jamais la communauté de destins de toute l’humanité ».

Les faiblesses du monde d’aujourd’hui nous questionnent sur quel monde d’après nous souhaitons construire.

Notre réseau des villes agit et se mobilise à l’aube de l’entrée en vigueur du traité sur l’interdiction des armes nucléaires. Nous vous invitons à le rejoindre (en adhérant à l’AFCDRP-Maires pour la paix et en signant l’Appel des villes de ICAN) pour renforcer la sécurité des populations et accroître l’action de protection contre ce qui menace nos communes. Nous pouvons faire un choix face aux défis de ce siècle : celui de poursuivre ce processus d’accommodements du danger nucléaire et poursuivre ainsi la marche en avant du passé ? Ou alors tirer les leçons de nos expériences et profiter de l’engouement d’Etats et de villes pour ne plus avoir peur que cette épée de Damoclès s’abatte sur nos villes.

Philippe Rio
Président de l’AFCDRP-Maires pour la Paix

Jean-Marie Collin,
Co porte parole de ICANFrance