Forum de Madrid : 10 engagements pour la Paix

Par   24 avril 2017

Du 19 au 21 avril s’est déroulé à Madrid le 1er Forum Mondial sur les Violences Urbaines et l’Éducation pour Vivre en société et la Paix. A l’issue de ce Forum auquel Maires pour la Paix était associé, représenté par son vice-président le maire de Granollers Josep Mayoral i Antigas et le président de la branche française, Philippe Rio, maire de Grigny, les participants ont adoptés dix engagements pour la paix. Voici la traduction française (par la ville de Madrid) de cette déclaration finale.

Engagement de Madrid pour les Villes de Paix

L’émergence de violences dans nos villes auparavant impensables, notamment le terrorisme international, les agressions via les réseaux sociaux ou la violence dans le sport, font que les gens ressentent une vulnérabilité inédite. Cette menace s’ajoute à d’autres violences déjà ancrées dans nos sociétés et pas toujours visibles, qui détériorent la vie individuelle et communautaire des villes qu’il faut identifier et enrayer.

Afin de faire face aux violences structurelles, interpersonnelles et culturelles, la Mairie de Madrid, aux côtés du Comité Organisateur et d’autres organismes collaborant activement, convoquent le Premier Forum Mondial sur les Violences Urbaines et l’Éducation pour Vivre en société et la Paix, prenant acte de l’engagement conclu lors du Conseil Mondial de CGLU à Paris à la COP 21 en décembre 2015.

Ce Forum est un espace créé pour rendre visibles les différents types de violences urbaines, dans le but d’envisager des moyens pour les éliminer et également de mettre en place et fixer un axe et des pratiques capables de transformer les cultures de la violence en cultures de la paix et de la non-violence.

La paix n’est pas uniquement l’absence de guerre et de différents types de violence. La paix est une culture qui prône les capacités des êtres humains à transformer les conflits via des moyens pacifiques et non-violents.

La douleur que génère la violence nous émeut et nous pousse à poursuivre nos actions. Non seulement pour lutter contre les violences directes sur les personnes, qu’il s’agisse de violences xénophobes, terroristes ou de genre, mais également pour combattre les déséquilibres structurels qui empêchent de répondre aux besoins vitaux. Ce sont effectivement les violences structurelles qui conditionnent l’ensemble des facteurs de la vie humaine: l’alimentation, l’espérance de vie, l’accès aux opportunités, l’éducation, le droit d’être soigné ou d’avoir un environnement  propre, les opportunités professionnelles ou encore la participation politique.

Il faut aussi combattre les violences culturelles ou symboliques présentes dans le langage, l’art, les religions, les idéologies politiques, les médias, l’industrie des loisirs, la science, les instituions ou le droit, autant de symboles qui tentent de légitimer des mises à l’écart, des exclusions et des expulsions de personnes dites différentes. Ces violences sont à la racine de certains procédés qui légitiment les violences structurelles et directes, et permettent de cautionner des mentalités qui justifient les inégalités et les violences au sens large, encourageant de fait les violences directes.

Nous avons constaté que les violences découlent de l’inégalité et des conflits mal gérés, du manque de dialogue, voire du manque d’information et de connaissance. Nous avons acté qu’il était important de distinguer violence et conflit.

Les villes, source de créativité, diversité, activité et d’une grande richesse culturelle ainsi qu’artistique sont plongées dans le conflit. Nos journées sont émaillées de conflits en tout genre, intra-personnels, interpersonnels, entre groupes ou entre états. Pourtant ils ne doivent pas forcement aboutir à la violence. La culture de la paix appelle à transformer les conflits via le dialogue et la négociation d’égal à égal, en utilisant des moyens non violents. Il ne s’agit pas seulement de rechercher des consensus mais de gérer les dissensions, de laisser une place à la diversité d’opinions, de regards, de modes de vie.

Nous connaissons et partageons la richesse plurielle des initiatives menées par certains gouvernements municipaux, organisations sociales et organismes internationaux visant à éradiquer les différentes violences présentes dans nos villes. Ce lieu de rencontre, d’organismes réunissant des personnes issues de 67 pays, ce lieu de débat et d’apprentissage ne peut se limiter à demeurer un évènement ponctuel. Nous avons reconnu la ville comme un espace idoine pour construire des espaces de paix car c’est aussi dans la ville qu’on se projette, qu’on entretient des relations les uns avec les autres, qu’on construit une communauté.

C’est en ce sens que les gouvernements locaux et les organisations de la société civile signent cette déclaration, et s’engagent à:

  1. Défendre la paix contre la guerre, les conflits armés entrainent la mort, la destruction et la haine qui perdure de génération en génération. La guerre est l’expression maximale des violences et les villes ne peuvent pas le théâtre des violences. Ce Forum lance un appel aux villes et aux citoyens du monde entier pour qu’ils déploient leur énergie et les outils disponibles pour promouvoir la culture de la paix contre la guerre. En ce sens nous saluons la volonté annoncée par le Secrétaire Général des Nations Unies axée sur la prévention de la guerre et le soutien à la paix, comme principale réponse au conflit, plaçant les villes comme des acteurs clés pour respecter cet agenda de prévention.
  2. Exhorter les gouvernements à créer, implanter et contrôler des programmes d’action pour faire de la prévention contre les violences. Cela signifie qu’il faut accroitre la collaboration et les échanges d’information entre les différentes administrations, encourageant la surveillance et le respect des traités internationaux, des lois et des mécanismes servant à protéger les droits de l’homme afin d’aller au-devant des violences urbaines.
  3. Mettre en place des mécanismes qui en finissent avec la corruption. La corruption est devenue un fléau social majeur qui a envahi la sphère publique et privée, dans les sociétés riches et pauvres. Au niveau politique, elle mine la démocratie, au niveau économique elle entraine une augmentation des coûts des biens et des services, au niveau judiciaire elle ronge l’état de droit et au niveau social elle met à mal les valeurs éthiques et spirituelles telles que la solidarité et la justice. Les principales causes des violences urbaines s’expliquent par des actes de corruption. La corruption peut être enrayée et il convient de créer des mécanismes de contrôle citoyen affichant plus de transparence en termes de gestion locale.
  4. Développer des programmes d’action locale pour lutter contre les violences urbaines et éduquer pour mieux vivre en société et dans la paix, impliquent:
    1. D’établir un diagnostic sur les violences en ville, rédigé dans le partage et s’appuyant sur la participation des acteurs de la ville.
    2. D’analyser les causes des violences
    3. D’élaborer des programmes spécifiques sur la base de l’éducation, la médiation et la résolution de conflits de façon non violente.
    4. De se doter d’instruments et des moyens nécessaires au niveau économique et humain, afin de mettre en œuvre une politique publique locale dans ce domaine.

Ces diagnostics et programmes d’action locale permettront de construire dans un délai de deux ans (pour le prochain Forum Mondial) un Agenda Local sur les violences urbaines et l’éducation pour vivre en société et la paix. Développer ces programmes locaux implique de:

  1. Mettre en place des politiques d’équité locale. L’inégalité est l’un des défis majeurs des sociétés actuelles dans le monde. Nous n’enrayerons pas les violences urbaines et n’arriverons pas, non plus, à construire un vivre en société positif sans mette un terme aux rapports de domination et d’inégalité. Il faut concevoir et mettre en œuvre des programmes concrets pour réduire ces inégalités, à partir de la participation de la société.
  2. Mettre en œuvre des politiques de soins. Les êtres humains ne sont pas vulnérables: nous naissons et grandissons en dépendant les uns des autres, nous tombons malades, nous vieillissons et mourons. L’abandon des personnes âgées ou la solitude des enfants sont des violences présentes dans nos villes. Les soins, traditionnellement dévolus aux femmes, doivent être visibles, universels et socialisés à travers l’action de la communauté. Il ne peut y avoir d’égalité réelle entre les genres s’il n’existe pas de politiques de soin. En ce sens, il est nécessaire de promouvoir plus de soutien vis à vis des programmes de prévention élémentaire et plus de soutien aux personnes victimes de violences.
  3. Promouvoir des instruments de médiation et de concertation sociale. La ville est soumise à des tensions dues à une confrontation d’intérêts. Les gouvernements locaux, moyennant des normes et des programmes politiques, sont en mesure de gérer ces différents conflits d’intérêts. C’est la raison pour laquelle il faut concevoir des instruments de dialogue, de médiation et d’éducation qui mettront en avant nos facultés à résoudre des conflits de façon non violente.
  4. Créer des programmes pour enrayer les violences urbaines sans se limiter à poursuivre en justice et à punir, il faut au contraire approfondir les causes et les racines des violences en tout genre pour développer des instruments comprenant la prévention via des politiques sociales et éducatives.
  5. Encourager des initiatives prônant le vivre en société, le respect et la diversité. Aborder les violences que subissent certains groupes spécifiques (femmes, personnes LGTBI, migrants, ou groupes d’autres diversités culturelles et religieuses) sur la base d’une conception traditionnelle sécuritaire est insuffisant. La recherche doit s’appuyer sur les causes et les conséquences des violences urbaines, dans le but de réorienter les politiques sur les personnes, sur les soins, sur l’élimination des stéréotypes et sur le développement du bien vivre en société. En développant des programmes qui aient des retombées à moyen terme sur les aspects éducatifs et culturels.
  6. Mettre en œuvre des politiques qui encouragent le Droit à la Ville et garantissent les Droits de l’Homme et leur durabilité. Les crises économiques et environnementales sont en train d’expulser des personnes et bannir des territoires, les privant d’accès à la nourriture et à défendre leurs droits sociaux. Face à la violence que cela engendre, les villes sont en mesure de proposer des programmes concrets d’accès au logement, à un travail décent, à l’intégration, afin de prévenir le changement climatique, développer une économie sociale et le droit à posséder un refuge qui permettra de mieux vivre en société.

Pour conclure, nous nous engageons à diffuser, impliquer et inclure davantage les gouvernements locaux et les organisations nationales, régionales et internationales ainsi que les organisations de la société civile dans la mise en place de ces engagements et à transmettre ce message aux gouvernements, aux médias, aux agents économiques, au monde de la justice, académique, éducatif et aux organismes internationaux.

Pour ce faire, un Secrétariat Technique international a été créé. Ainsi ce Premier Forum Mondial sur les Violences Urbaines et l’Éducation pour le vivre en société et la Paix se maintiendra en vie et fera partie de l’agenda international des villes.

Nous réaffirmons notre engagement de continuer à créer des alliances globales, municipales et citoyennes pour promouvoir la Culture du Vivre en société et la Paix.

Madrid, le 21 avril 2017